Les métamorphoses de la vie quotidienne sont rares. Cependant depuis près de vingt ans nous assistons à un bond considérable et perpétuel de la technologie. En s’installant dans nos existences par le biais d’outils techniques de plus en plus ergonomiques et ludiques, ils infiltreront bientôt toutes les composantes de nos vies. Nous pouvons déjà constater qu’ils modifient notre être au monde en interrogeant l’espace et le temps, notre rapport au corps, au partage ainsi que le lien social : les avancées du numérique augurent d’un changement anthropologique majeur sans doute comparable à la révolution occasionnée par l’imprimerie ou l’écriture.
Nous retiendrons que les nouvelles technologies déterminent de telles modifications dans les représentations habituelles qu’elles affectent le sujet dans son mode de relation avec autrui.
Ainsi l’écran devient une interface incontournable de la vie quotidienne. Cependant, si l’objet peut susciter de nombreuses questions, nous pensons que c’est le rapport à l’objet qui est davantage à questionner, à la mesure des différents discours qu’il supporte.
Il n’en reste pas moins que la « culture numérique », des réseaux sociaux au blog en passant par les jeux vidéo, offre de multiples possibilités d’expression de soi et de rencontre dès lors qu’elles s’inscrivent dans un contexte bordé par de l’altérité.
En effet, une confusion peut être occasionnée par ces différents supports, pouvant alors engendrer l’immédiateté, l’anonymisation, la non différenciation des générations et des sexes. Finalement elles peuvent induire un rapport à des figures – des avatars, qui ne sont pas des représentations mais des présentations numériques : des simulations bordées par du code. Pour peu que l’on s’en suffise, ces « matières numériques“ viendraient combler l’espace de la pensée, de la rêverie, pour proposer une rêvasserie assistée par ordinateur.
Mais alors comment penser les enfances et adolescences contemporaines et le lien social à l‘ère du numérique ? Dans quelles mesures les matières numériques peuvent-elles être médiatrices dans la relation ou bien destructrices ? Quels impacts sur le développement, mais également sur la créativité ? Comment accompagner les parents face à de nouvelles difficultés ?
Nous aborderons ces questions relatives aux symptômes contemporains en lien avec les univers numériques en basant nos exposés à partir de la pratique clinique, forte d’une éthique de la rencontre et d’une réflexion sur la culture comme objet de soin.
Arnaud Sylla est psychologue clinicien en structure hospitalière ainsi qu’en libéral où il reçoit des adolescents et des jeunes adultes rencontrant des problèmes de socialisation. Il propose notamment un accompagnement en utilisant, selon chaque situation, des médiateurs culturels qui peuvent être des mangas & animés, jeux vidéo et des supports créatifs. Il est aussi président de l’association Hébé, qui travaille sur la recherche clinique dans le domaine de l’adolescence soutenant une perspective psycho-dynamique en lien avec les sciences affines et la psychanalyse.