Depuis plusieurs années les chercheurs en sciences sociales s’intéressent aux personnes suivies en psychiatrie en cherchant, le plus systématiquement possible, à recomposer leurs différents déplacements dans l’offre de soin. Cette manière de faire permet bien de saisir l’éclatement des institutions sur différents lieux géographiques ainsi qu’entre différentes orientations théoriques. Cependant, elle n’est pas si éloignées que ça d’un point de vue gestionnaire qui vise à identifier des « parcours de soin ».
La proposition que je voudrais faire consiste à ré-introduire dans l’analyse un outil classiquement utilisé par les sociologues celui des « origines sociales ». Il s’agit en somme de saisir des trajectoires biographiques en mettant l’accent sur l’importance du milieu social dans lequel les individus ont grandi (un milieu plutôt ouvrier ou au contraire un milieu plutôt caractéristique des classes moyennes ou encore un milieu plus aisé).
Dès lors, en comparant les trajectoires de trois personnes, issues de trois milieux sociaux différents, mais ayant toutes trois été amenées à poursuivre des hospitalisations en psychiatrie dans plusieurs lieux différents, on voit comment les représentations de la psychiatrie hospitalières sont progressivement amendées, mises à mal ou confirmées selon les origines sociales et les situations auxquelles les personnes sont confrontées. Pour le dire autrement, selon les ressources qu’elles ont à leur disposition, toutes ces personnes ne se confrontent pas de la même manière à une tendance à la réduction des « lits » qui concerne l’ensemble de la psychiatrie et ne conçoivent donc pas toutes de la même manière la poursuite dans le temps d’une hospitalisation.
Cette perspective (qui n’est pas nouvelle en sociologie mais peu adoptée quand les sociologues se penchent sur la psychiatrie) doit permettre de comprendre des trajectoires hospitalières sans en rester à une analyse de « l’offre de soin ».
Julien Bourdais conduit une thèse de sociologie sur les effets biographiques des mutations récentes de la psychiatrie hospitalière. Il réalise son doctorat sous la direction de Florence Weber au Centre Maurice Halbwachs (ENS-EHSS). Il est également enseignant (ATER) à l’ENS de Cachan.